En Suisse, la politique agricole fédérale pousse à l’agrandissement des fermes (quand une ferme disparaît, elle est intégrée dans celle du voisin). Ce qui rend la transmission des fermes plus difficiles car elles deviennent beaucoup plus chères! Les jeunes paysannes qui n’héritent pas de la ferme familiale se retrouvent donc souvent sans outil de production. Pourtant, si l’on veut sauver la paysannerie, il faut installer un grand nombre de nouvelles paysannes. Cela permettrait de garantir un modèle agricole à taille humaine, avantageant une production moins gourmande en énergies fossiles, sauvegardant la biodiversité et garantissant de bonnes conditions de travail.
Depuis 20 ans, trois fermes disparaissent chaque jour en Suisse, et cette hémorragie va s’accélérer avec le départ à la retraite de la moitié des agriculteur·rices d’ici à 2040. De plus, l’accès à la terre est très difficile pour les néo-paysan·nes, en raison de nombreux freins juridiques, politiques et économiques. Non seulement rien n’est fait pour encourager l’installation de personnes non-issues du milieu agricole, mais le prix des terres comme celui des outils de travail ne fait qu’augmenter. Pourtant, le nombre d’apprenti·es et étudiant·es dans les diverses filières agricoles, ne fait lui aussi qu’augmenter, avec une bonne partie de personnes qui ne viennent pas de familles d’agriculteur·rices.
La politique agricole, avec son dogme de compétitivité, et le droit foncier rural suisse, avec sa tradition patrilinéaire, encouragent et facilitent soit une transmission intra-familiale des exploitations, soit, s’il n’y a pas de fils prêt à reprendre le domaine, une vente des terres aux voisin·es déjà installé·es. Il en résulte une diminution du nombre d’exploitations et un agrandissement de celles qui restent.
Ceci engendre de fait une course en avant mécanique, chimique et technologique, car les surfaces à travailler sont de plus en plus grandes. Et les domaines de moins en moins transmissibles car de plus en plus chers. Ce mécanisme est souvent appelé « l’évolution structurelle », mais il s’agit bien du résultat de choix politiques et non d’une fatalité.
Face à ce cercle vicieux, le groupe jeunes d’Uniterre a publié en février 2023 la brochure « La terre à celleux qui la cultivent ». Celle-ci se penche sur différents projets agricoles collectifs et analyse les différents freins juridiques, organisationnels et financiers tout en tâchant de proposer une boîte à outils alternative et évolutive à destination des personnes, de plus en plus nombreuses, qui s’efforcent de lancer des projets d’agriculture paysanne.
La rédaction de cette brochure ayant soulevé autant de questions qu’elle a amené de réponses, et sa diffusion ayant connu un franc succès, Uniterre et des alliés ont décidé de continuer le travail avec la création de la coalition terre.
Naissance de la «coalition terre»
Pour continuer le travail initié par la brochure « La terre à celleux qui la cultivent », une coalition, portée par Uniterre, a été créée. Elle regroupe différentes organisations/collectifs aussi actives sur la thématique de l’accès à la terre.
Cette coalition se donne les moyens de coordonner un travail de fond sur tous les aspects liés à l’accès à la terre à l’échelle suisse dans l’objectif final de favoriser l’installation de nouvelles paysan·nes, selon une répartition géographique nationale, cantonale, communale, avec un fort accent sur le niveau local. En savoir plus.
La coalition terre est composée, à différents niveaux d’implication, de Uniterre, Mouvement pour une Agriculture Paysanne et Citoyenne (MAPC), Association des petits paysans (VKMB), Longo Maï, Fondation le Lombric, le Radis Noir et différentes personnes à titre individuel.
L’installation de plus de paysannes est la seule solution
La politique agricole dominante en Suisse propose un agrandissement des structures, la spécialisation, l’industrialisation, la compétitivité ou encore le « smart farming » comme « évolution structurelle » nécessaire au futur de l’agriculture suisse. Ce modèle agricole pousse entre autres à des prix de vente trop bas, à une sur-exploitations des sols, à une perte de la biodiversité, à l’endettement et à une perte totale d’autonomie paysanne. Pour la « coalition terre » – même si de multiples barrières se dressent face à la reprise de fermes et au renouvellement générationnel – la seule solution reste l’installation d’une agriculture paysanne diversifiée. Celle-ci est la seule à même d’affronter les défis de demain ; perte de biodiversité, dérèglement climatique, crise alimentaire et départ à la retraite des producteur·rices actuel·les.
La priorité doit être donnée à l’installation de nouvelles paysan·nes et, en lien, d’artisan·es transformateur·rices (boulangerie, boucherie, tofuterie, conserverie, etc) dont le travail est, de fait, aussi indispensable à l’essor de l’agriculture paysanne que l’accès à la terre. Ces installations doivent se faire dans des conditions économiques viables (défense de prix équitables rémunérateurs) et viser une nourriture accessible pour tous·tes (notamment via le modèle de l’assurance sociale de l’alimentation) qui sont la base de la souveraineté alimentaire. C’est une vision qui replace l’agriculture et l’alimentation au cœur du fonctionnement social, en ouvrant la voie à une autonomie paysanne et alimentaire.