Communiqué du 17 avril – journée internationale des luttes paysannes

Pour ce 17 avril 2025, nous nous rassemblons à Genève à l’appel de la Via Campesina pour la journée internationale des luttes paysannes.

«Depuis le massacre d’Eldorado dos Carajás au Brésil en 1996, où 21 paysans ont été assassinés pour avoir lutté en faveur d’une réforme agraire—un crime resté impuni—nous nous organisons chaque année à l’échelle mondiale le 17 avril. Oublier ne profite qu’à ceux qui continuent de nous opprimer, c’est pourquoi nous nous unissons pour honorer cette lutte, exiger justice et renforcer notre résistance.

La terre, l’eau et le territoires ne sont pas de simples marchandises. Ils sont le fondement de nos communautés, de nos cultures et de notre souveraineté alimentaire. Le droit à la terre est essentiel pour que les travailleur·euses et communautés rurales puissent continuer à produire des aliments sains grâce à l’agroécologie paysanne et participer pleinement à la vie sociale, économique et politique. Pourtant, ce droit et cette lutte restent criminalisés, et les droits paysans, consacrés par la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans (UNDROP), sont systématiquement bafoués.

La Palestine subit une brutale occupation et annexion de terres par le régime d’apartheid israélien. En Colombie, au Brésil, en Indonésie, en Haïti, en République Démocratique du Congo et dans d’autres pays, les paysan·ne·s qui luttent pour une vie digne sur leurs terres font face à une violence extrême. Au Pakistan, les paysan·nes sans terre résistent à l’accaparement des terres par des projets d’entreprises sous l’initiative « Green Pakistan ». Dans le Nord global, l’artificialisation des terres (centres commerciaux, autoroutes, urbanisation) détruit chaque année des milliers d’hectares de terres agricoles, menaçant la vie paysanne.»

La région genevoise ne fait pas exception à cette politique délibérée d’artificialisation des terres. Si les déclassements agricoles sur le canton de Genève sont théoriquement bloqués, celui-ci ayant par exemple atteint la limite fédérale minimale des surfaces d’assolement1, des terres agricoles déjà déclassées laissent chaque jour place à des nouvelles constructions et infrastructures, entraînant une artificialisation définitive de celles-ci. Ces terres sont appelées « réserves foncières », et malgré une urgence de plus en plus criante de les conserver, elles restent considérées le plus souvent par les instances politiques et les urbanistes en charge des projets comme des zones vierges à construire. Sur le territoire genevois et dans son voisinage proche, des grands projets nuisibles sont par ailleurs sur le point d’être réalisés, mettant à mal terres agricoles, zones humides ou forêts.

En Haute-Savoie, une coalition de paysan.ne.x, d’habitant.e.x et d’ami.e.x de la nature se battent depuis plus de 30 ans pour éviter le désastre écologique et social que représente la construction d’un nouveau tronçon d’autoroute entre Thônon-les-bains et Machilly2. Pas moins de 170 hectares de terres agricoles et d’espaces  naturels sont menacés par ce projet qui fait fi de toute raison écologique, sociale, et même économique. Si les collectivités publiques locales et l’État français pouvait encore feindre d’ignorer le dérèglement climatique et la pollution de l’air et celle causée par l’abrasion des pneus des voitures lors de la conception du projet, il paraît insensé de s’entêter dans des projets aussi absurdes en 2025.  Pour les 16 km de tronçon autoroutier prévus, on parle d’une réduction du temps de trajet de quelques minutes seulement, sans compter un engorgement supplémentaire des villages existants, comme pour la A69 en Occitanie dont le projet est heureusement arrêté pour l’instant. Par ailleurs, la politique de transports liée à l’accès de Genève cherche plutôt à valoriser l’existant, par exemple le Léman express, qui vient d’être mis en place et pourra permettre de transporter encore plus de voyageur.euse.x.

Pas de fuite en avant, stop aux projets inutiles!

Par ailleurs, le CERN cherche à avancer ses billes concernant son projet de méga-collisionneur à particules, le FCC, qui s’étendrait sur 91 km de circonférence et pourrait être construit à partir de 2032. 8 sites entre Genève et la France voisines seraient concernés, dont un à Choulex3. De gigantesques volumes de terre à excaver sont à prévoir, ainsi qu’un ballet improbable de poids lourds (jusqu’à 100’000 voyages) dans la région, avec son lot de pollutions et de nuisances. Sans parler des pollutions liés à la construction et la mise en service, et surtout au fonctionnement du FCC! Pour l’agriculture, des zones seront immanquablement rendues impropres aux cultures, sur les sites concernés, mais aussi par la compaction des sols et une attente à prévoir au niveau des nappes phréatiques et de l’irrigation des sols.

Pas de fuite en avant, stop aux projets polluants!

Si l’accès à des terres en vue de leur destruction par des projets prétendument d’utilité publique semble couler de source, l’accès pour les structures agricoles du canton, notamment les membres du MAPC, reste structurellement précaire.

Une précarité foncière d’abord, qui voit certains projets négocier âprement l’obtention ou le maintien d’un bail agricole. Face à des propriétaires versatiles qui remettent en question le bien fondé des choix économiques et agronomiques de leurs fermièr.e.x. Face à des Masterplan pourtant mis en place par des pouvoirs publics qui oublient l’existence de structures existantes et fonctionnelles sur leurs terres. Pour les 90 % des terres agricoles du Canton qui sont entre des mains privées, la transparence des baux qui les lient à leurs locataires est très limitée, et de nombreux propriétaires ne semblent l’être que pour des questions de placements financiers, sans lien avec un quelconque intérêt pour l’activité agricole ou paysanne. Quant aux presque 10% restants, propriété des communes et du canton, il serait bon que l’intérêt public, justement, l’emporte, lors de nouvelles signatures de baux, au détriment de l’accaparement par des fermes de plus en plus grandes et détachées de pratiques paysannes durables.

Une précarité économique ensuite, qui a malheureusement vu l’arrêt d’une structure membre cette année (Les Chèvres de la Touvière), et a rappelé à qui l’ignorait la fragilité financières de nombreuses autres. Celle-ci est notamment due à l’absence de reconnaissance de nos petites structures par le secteur (présence limitée dans les cercles de décision interprofessionnels, accès limité aux paiements directs ou aux aides publiques, absence de reconnaissance de leur caractère social et agroécologique). Cette précarité économique ne se limite pas à nos structures, et reste plus que jamais un problème de secteur. Les plus grandes exploitations, lourdement endettées et sous perfusion des pouvoirs publics, souffrent également de la baisse du pouvoir d’achat (et par conséquent de la vente directe ou au prix rémunérateur), du dérèglement climatique (avec une complexification de la planification des travaux dans les champs et des récoltes), ou encore de l’absence de perspective de reprise pour des domaines toujours plus grands, toujours plus chers (que seuls des multimillionnaires pourraient se payer).

Grâce au projet de Caisse de l’alimentation présenté jeudi 17 avril sur la place des Grottes, grâce à la mise en pratique du diagnostic agriculture paysanne dans les structures agricoles du canton, grâce à la mise en lumière de la situation foncière et la recherche de solutions pour les nouveaux projets paysans par la coalition terre, le MAPC s’engage dans la construction d’un projet alimentaire et agricole pour tout.e.x, de la productrice.x à la mangeuse.x, de la graine à l’assiette!

Et nous disons avec la Via Campesina:

« Nous exigeons : Une réforme agraire intégrale et des politiques publiques ambitieuses pour mettre fin à l’accaparement des terres et assurer une redistribution équitable aux paysan·nes.

Nous appelons à construire une réforme agraire populaire et intégrale, axée sur la Souveraineté Alimentaire, qui :

        1 https://www.ge.ch/dossier/amenager-territoire/planification-cantonale-regionale/surfaces-assolement

        2 https://www.fne-aura.org/actualites/haute-savoie/autoroute-a412-desenclavement-ou-destruction-du-chablais/

        3 https://co-cernes.com/